Janvier 2023 : De mes petites mains

Je fais le ménage dans ma maison – je range la vaisselle propre et lave celle entassée dans l’évier. Je plie les plaids et remets la table au centre du tapis. Je vide le cendrier. J’allume la bougie et je nettoie le miroir.

Je fais le ménage dans mon année – les notices achevées s’en iront bientôt vers d’autres étagères. La femme-serpent restera sous certaines conditions. Je planifie Wittig selon les mois. Je collecterai des sons ici, et je les arrangerai ensemble là. Je serai sur scène plusieurs fois, et entre temps je dessinerai. Je garde encore les voix avec moi, je les organise dans mes pages pour que bientôt elles fassent partie du chœur.

Je fais le ménage dans mon texte – j’ajoute les numéros de page des citations surlignées en jaune. Je relis, supprime les répétitions, me débarrasse des coquilles et des fautes d’orthographe. Je reformule les notes de bas de page. Italique pour les titres et les mots étrangers. Les guillemets français et les points médians, je les copie-colle depuis Google car je ne sais pas faire autrement. Je réponds aux mails, je remercie pour le temps accordé.

Je fais le ménage dans mon Drive – je supprime les doublons par là, les documents égarés par ici, les dossiers vides et les fichiers vierges. J’archive sur un disque dur les vidéos et les audios qui prennent trop de place. Je laisse les retranscriptions. Je range les visuels ailleurs. Je mets à jour les tutoriels. La notification rouge disparaît, j’ai fait de la place.

On fait le ménage dans notre maison – on ferme les canaux vides pour mieux se retrouver dans ceux qui restent. On prend des nouvelles des fantômes qui y ont vécu avec nous un moment : souhaites-tu encore habiter cette maison ? Ces derniers temps, les chaises vides s’entassaient autour de la table et celleux qui étaient là se sentaient un peu seul-es. Ça résonnait presque dans les couloirs, j’entendais mon écho triste dans la boîte mail. Ça vivait moins, ça ne savait plus, ça n’osait pas. J’ai le coup de balai difficile en vrai… Mais les fantômes déplaçaient la poussière, on n’y voyait plus rien et je m’épuisais à les faire revivre. Certain-es invisibles ont fini par déménager, d’autres sont sorti-es du sommeil et nous aident à réorganiser. Merci à elleux pour la franchise et l’amitié, la porte reste ouverte.

On s’est demandé à quoi on voulait qu’elle ressemble, notre maison, et ce qu’on voulait y faire : tout au même niveau (à la cime des arbres ou bien sur l’eau), des communs pas trop immenses où l’on partage en confiance, des couloirs-tentacules qui zigzaguent, toutes les chambres habitées, des portes ouvertes, et de la chaleur, des voix, de la lumière qui circulent. Une maison où l’on cuisine ensemble dans des casseroles et des carnets ; avec du bordel mais qui nous ressemble ; où les petites mains sont vues, accompagnées, remerciées, célébrées ; où l’on soigne à plusieurs l’espace que l’on partage parce qu’on l’aime. Une maison qui vit et qui grandit avec celleux qui l’habitent.

Dans le grenier il y a toujours les mad women qui écrivent, dans la cave les vampires·ses qui dansent, il y a des animales et des plantes un peu partout. Au bureau et à la cuisine, j’essaie de me rendre utile. De mes petites mains, je prends soin de notre maison, je prends soin de nous.

Caro, pour les Jaseuses

Louise Bourgeois, Femme-maison, marbre blanc, 1994.

#Wittig2023

En réponse à l’appel #Wittig2023, les Jaseuses s’organisent pour participer à la commémoration des vingt ans de la mort de Monique Wittig et des cinquante ans de la parution du Corps lesbien. Nous avons la joie de dévoiler notre programmation wittigienne de l’année ! Au programme : des ateliers variés, une exposition et un Opopodcast !

Questions bêtes-pas bêtes #1

La première rencontre Zoom “Questions bêtes-pas bêtes” de #Wittig2023 aura lieu mardi 31 janvier à 14h30 ! Organisé par Emma Dos Santos, Alice Hagopian et Claire Pollet, on y discutera des raisons pour lesquelles Monique Wittig est mise à l’honneur cette année, y compris chez les Jaseuses. Discussion gratuite et ouverte à toustes. Retrouvez toutes les informations, une petite introduction et des documents ressources ici.

Carte blanche

Marys Renné Hertiman compose un texte sur L’amour comme un lien. Extrait : “S’aventurer à penser l’amour, dans nos milieux intellectuels et militants, est risqué. C’est un espace où l’on peut être vite marginalisé-es car ce sujet ne ferait que nous éloigner de la rationalité dont on doit faire preuve en bon-ne chercheureuse, en militant-e juste et engagé-e. Comment penser l’amour quand les mondes que l’on traverse sont structurés par des rapports de force conflictuels ? Comment s’engager à pratiquer d’autres formes d’amour quand les crises écologiques, économiques, sociales et politiques nous exhortent à poser notre regard partout, sauf dans ce qui est considéré comme privé avant tout ? Justement, interroger l’amour est important parce que l’intime est performatif et demeure politique…”

Pas qu’à Paris

Coco et Claire s’associent à Clotilde de la librairie itinérante Les Guérillères pour proposer un goûter-rêveries autour d’utopies politisées. Rendez-vous au café associatif O p’ti Boneur de Botmeur (29) le dimanche 22 janvier de 15h30 à 19h. Au programme : écoute intégrale du podcast Échos du futur ; réflexion collective sur l’utopie, la magie et le chaos ; sélection de livres et présentation de l’ouvrage Esthétiques du désordre, vers une autre pensée de l’utopie (Le Cavalier Bleu, 2022) auquel Coco et Claire ont contribué.

⚡On jase aussi par ici

Nous étions quelques jaseuses, mardi 3 janvier, à rejoindre les Ami-es de Monique Wittig rassemblé-es par Suzette Robichon, pour lire des textes autour de la tombe de Wittig en ce jour anniversaire de sa mort. Chacun-e a lu ce qui lui venait, on s’est souri et reconnu, c’était un beau moment sous le signe de la communauté.

Cassandre Martigny a coordonné un numéro de la revue Acta en VO sur “les constructions et reconfigurations des études de genre” qui présentent des traductions et comptes-rendus de textes majeurs et pluridisciplinaires de Corée du Sud, de Guinée équatoriale, d’Allemagne et des Pays Bas.

 Avec l’autrice Lou Dimay, Adèle Cassigneul a lancé, au solstice d’hiver, la seconde édition des #100joursdecriture. Ça se passe sur Insta et tout le monde est bienvenu·e qui souhaite écrire (chacun·e son rythme & on commence quand on veut). Elle signe également pour Jeanne Magazine une chronique de Telle Quelle, livre d’art de l’artiste Camille Laforcenée paru aux éditions Blast cet automne.

 Le 17 décembre paraissait le dernier numéro de la Revue d’Histoire Culturelle, où l’on peut trouver un article de Marys Renné Hertiman, où elle nous invite à penser l’héritage des femmes dans le 9e art français. Au travers de ce texte, elle invoque les noms de certaines créatrices ayant publié des bandes dessinées tout au long de l’histoire de ce médium, et plaide pour consolider le matrimoine de la BD, faisant de celui-ci un monument voulu.

 Manon Berthier, Camille Islert, Aurore Turbiau et Alexandre Antolin étaient à la librairie féministe L’Affranchie en novembre pour présenter Écrire à l’encre violette. Littératures lesbiennes en France de 1900 à nos jours ; le podcast tiré de cette rencontre est disponible en ligne !

Sophie Benard adresse une lettre à son corps. “La disparition de la fermeté de mes fesses” illustrée par un dessin de Caroline Dejoie, peut être lue en s’abonnant au média La Disparition.

 Élise Huchet et Marys Renné Hertiman ont écrit à quatre mains la notice “Silence” pour le Dictionnaire du Genre en Traduction, parue le 5 janvier sur le site World Gender / CNRS.

 Margot Lachkar a signé dans le dernier numéro de Jeanne Magazine une critique du roman lesbien Boulder d’Eva Baltasar, sorti à l’automne dans une traduction française d’Annie Bats. Il a également lancé sa newsletter, “Gouineries chaotiques”, consacrée aux littératures lesbiennes contemporaines en France. Pour lire les deux premières éditions ou pour s’abonner, c’est par ici !

Ami-es des Jaseuses

Le Laboratoire Corps, genre, arts, de l’association EFiGiES a le plaisir de vous inviter à sa soirée artistique “MÉTAMORPHES – Des rites de passage qui n’en finissent pas de passer” jeudi 26 janvier, au Sample (Bagnolet) à partir de 19h. Au programme, les performances de Caroline Dejoie, Rose-Mahé Cabel, Gral et Damien Rouxel, suivies d’un DJ set avec Andrée aka Aquafemme, Bonijalek et Anita.biv & Lily Petiot ! Soirée à prix libre.

 On soutient la sortie de En plein jour, un film de Lysa Heurtier Manzanares, qui dessine une cartographie de ce que l’on peut dévoiler de sa façon d’aimer, des normes, et des tabous qui limitent la parole. La première aura lieu mercredi 18 janvier à 20h au Saint-André-des-arts (Paris 6) et le film jouera là-bas tous les samedis de janvier à 16h, à chaque fois en présence de la réalisatrice et de ses invité-es. Plus d’infos en suivant la page Instagram du film.

  Du 18 au 28 janvier aux Plateaux Sauvages (Paris 20), Les Louves à Minuit et Marie Fortuit présentent le spectacle Ombre (Eurydice Parle) de Elfriede Jelinek, avec Virgile L. Leclerc. De lundi à vendredi à 19h, samedi à 16h30. Informations et réservation ici.

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En vous souhaitant une très bonne année 2023, avec de la joie et de l’envie. A bientôt !

Conceptrices : Patrycja Toczek et Caroline Dejoie

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OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Les Jaseuses (10 décembre 2022). Janvier 2023 : De mes petites mains. Les Jaseuses. Consulté le 5 octobre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/qun4

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