Te laisser une page blanche

 

Je voudrais te penser au présent

 

 

te laisser l’amplitude

 

 

 

un champ de glace

 

 

je t’indécide

 

 

 

je fabrique des bouts de banquise lâches

 

pour que tu puisses faire flotter derrière toi les ombres indéchiffrables

 

et toutes les voix qui portent la tienne

 

les rivages sur lesquels tes yeux se portent à chaque seconde

 

les polynies qui te séparent

 

la glace de fond de tes pleurs

 

le tracé noir et imprécis des songes

 

le revers de tes paupières

 

la lucidité de ta main blanche sur la neige

 

tes mains blanches qui disparaissent

 

 

 

Je me voue à l’ignorance de ton corps

 

je ne cherche rien dans les lignes de ta main

 

je voudrais te toucher sans laisser aucune trace

 

je veux que ça devienne comme le long souvenir du vent

 

la vague qui ondule le nilas

 

 

 

je ne m’offrirai pas 

 

 

je te fais don de choses que je ne possède pas 

 

 

l’espace

 

le silence et le temps

 

 

je n’ai aucun droit sur tes secrets 

 

et je crois en ton mystère

 

 

tes contours s’indéfinissent

 

et tes lèvres vieilles et neuves comme le névé 

 

se recristallisent sans cesse 

 

 

je ne crois qu’à la glace qui se cisaille 

 

les crêtes qui se forment sous tes doigts

 

 

je ne t’attends pas 

 

 

je sais que tu ne viendras pas 

 

ton nom ploie sous le poids du possible

 

 

regarder plus loin que toi 

 

 

c’est diffracter un faisceau de lumière

 

 

je te regarde comme le ciel d’eau

 

sans limite 

 

à l’œil nu 

 

 

je désapprends chacun de tes cils

 

 

je m’acharne à t’oublier tous les jours 

 

délivrer 

 

ton regard 

 

ta présence

 

la laisser résonner

 

 

amplement 

 

 

dans ce paysage polaire

 

 

chaque jour

 

je recouvre de neige 

 

tes longs yeux 

 

indicibles

 

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